Épisodes

  • États-Unis: dans la Californie agricole, les travailleurs sans papiers terrorisés par les descentes de police
    Jun 22 2025

    Les campagnes d'arrestation visant les migrants en Californie ont entraîné des manifestations monstres à Los Angeles et dans d'autres villes. Dans cet État démocrate, un grand nombre de travailleurs du secteur agricole sont sans papiers, et les descentes de la police de l'immigration qui ont touché la petite ville agricole d'Oxnard, au nord de Los Angeles, ont frappé les esprits. Nombreux sont les travailleurs qui restent terrés chez eux, par peur d'aller travailler.

    De nos envoyés spéciaux de retour d'Oxnard,

    Sous un soleil de plomb, des paysans cueillent paisiblement des fraises. Il y a dix jours pourtant, non loin de là, une opération de police visait plusieurs migrants sans papiers comme eux. Pas de quoi s'inquiéter pour ce responsable d'une ferme, qui refuse de céder à ce qu'il nomme de la « paranaoïa ». « Si nous étions inquiets, nous aurions mis des gardiens à la porte. Il n'y a pas de quoi s'en faire. Il faut vivre normalement. Je déteste vivre dans la peur », témoigne-t-il.

    Le climat a bel et bien changé pourtant à Oxnard, bourgade agricole au nord de Los Angeles. Dans le restaurant familial mexicain des Pérez, Raquel, la fille, accueille beaucoup moins de clients depuis l'intervention de policiers d'ICE, la controversée agence fédérale chargée de l'immigration aux États-Unis.

    « En 18 ans de présence ici, c'était la première fois que je voyais "ICE" dans ce secteur, dans la zone industrielle de la ville. Il y avait deux camionnettes : l'une blanche avec une ligne verte et une inscription "patrouille de protection de la frontière", et un autre véhicule avec aucune indication, mais une plaque d'un autre État. J'ai raconté à ma mère. Quand j'étais devant, là, et que je les ai vus... La façon dont ils m'ont regardé, c'était très intimidant. On voyait la haine dans leurs yeux. J'en ai eu la chair de poule. Et moi, je n'ai rien à craindre. Je suis née et j'ai vécu toute ma vie ici », explique-t-elle.

    Les incidents d'Oxnard ont instillé la peur. Désormais, beaucoup de travailleurs sans papiers n'osent plus revenir au champ, ni même sortir de chez eux. Angélica, elle, explique qu'elle n'a pas le choix. RFI l'a jointe à distance après sa journée de travail. « On va travailler parce que la peur est toujours moins forte que la nécessité. On travaille dans la chaleur, le froid, sous la pluie, agenouillés souvent. On y va dans la peur et dans l'anxiété. Tout ça pour que la nation puisse avoir de quoi manger sur sa table. Sans nous, les paysans, il n'y aurait rien de tout ça », rappelle-t-elle.

    Le secteur agricole du comté de Ventura, qui abrite Oxnard, a tiré la sonnette d'alarme. Entre 25 et 45% des travailleurs agricoles auraient cessé de se présenter au travail.

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  • Aux États-Unis, le timide essor du «soccer» avant le Mondial de foot 2026
    Jun 21 2025

    Les États-Unis accueillent en ce moment le Mondial des clubs avant la Coupe du monde dans un an. Ici, le « soccer » est en plein développement, encore plus depuis que Lionel Messi a rejoint il y a deux ans Miami et la MLS, le championnat local. Mais la culture football s’installe-t-elle vraiment dans les habitudes des Américains ?

    En cinq secondes, l’attaquant gabonais Denis Bouanga a tout résumé. On peut être une star de la MLS – le championnat local de football aux États-Unis –, le meilleur buteur de Los Angeles et passer complètement inaperçu dans un pays où l’offre sportive est aussi vaste que le territoire. Un pays où le soccer est encore loin d’être roi.

    « Le championnat n’a qu’une trentaine d’années d’existence. Le football américain est encore numéro un, suivi du basket et après, il y a la ligue de baseball, celle de hockey. Les sports universitaires sont très importants chez nous. La MLS d’aujourd’hui, avec Messi, est dans ces eaux-là. Mais la NFL et la NBA sont encore devant », détaille Michelle Kauffmann journaliste spécialisée au Miami Herald.

    « Cela progresse. Le problème, c'est que les gens comme moi s’intéressent plus aux championnats européens », estime Teddy, maillot de Chelsea sur le dos. Ce supporter est à Atlanta pour assister au match entre Chelsea et le Los Angeles FC. « Je regarde jouer Chelsea depuis que je suis petit. Ici, on a une nouvelle équipe, Atlanta United. Mais bon, c'est dur de passer de l’un à l’autre. La qualité de jeu n’a rien à voir », regrette-t-il.

    Et pourtant, dans les stades de MLS, l’affluence moyenne est en pleine croissance. Plus de 23 000 spectateurs par match en moyenne la saison passée et les groupes de supporters se structurent. Depuis quatre ans, Jo voyage avec l’un d’eux pour suivre les matchs du Los Angeles FC. « Avant, avec mes amis, on suivait le football américain, le baseball, le basket. Classique, quoi. Et puis on est allés voir un match de soccer et on a tout de suite accroché. L’énergie est incroyable. Maintenant, on voyage partout pour suivre l’équipe. Quand vous voyez la passion des supporters de soccer, c'est dur de ne pas être tenté. C’est vraiment génial », s'enthousiasme-t-il.

    Alors combien sont-ils, comme lui, les convertis devenus fanatiques ? Difficile à dire, mais la passion est contagieuse, transmissible, dans une Amérique qui se rêve demain en nouveau monde du ballon rond. « Vous connaissez Hugo Lloris ? Mon fils est un grand fan. Il est gardien de but comme lui et il a son maillot signé… Il va lui succéder, j’espère. C’est le plan », plaisante même Jo.

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  • En Autriche, des concerts thérapeutiques pour les personnes atteintes de démence
    Jun 20 2025

    Dans la prestigieuse salle du Musikverein, à Vienne, en Autriche, temple de la musique classique connu des mélomanes du monde entier, se déroulent des concerts pas comme les autres. Des concerts Souvenir qui s’adressent aux personnes atteintes de démence. Le but est de réveiller leur mémoire, à travers la musique et ses émotions.

    Cet après-midi, la magnifique salle Brahms du Musikverein de Vienne, en Autriche, accueille un concert un peu particulier, Souvenir, destiné aux personnes atteintes de démence et leurs accompagnants. Ils sont plusieurs dizaines à s'installer lorsqu'un trio de jeunes musiciens commence à jouer un programme spécialement conçu pour eux. Mélange de classiques et de variétés du 20e siècle. Une animatrice introduit chaque morceau et encourage même les spectateurs à chanter.

    On voit des mains en attraper d'autres, des têtes qui se posent sur l'épaule du voisin. C'est le but de ces concerts : réveiller les émotions et la mémoire des spectateurs. Pari réussi pour Elfriede, 84 ans, qui a quitté sa maison de retraite avec son accompagnant Walter. « J'ai toujours aimé me rendre à des concerts et celui-ci était beau, magnifique. J'ai aimé toutes les chansons. C'est toujours un plaisir et quelque chose de spécial au Musikverein. Je crois que je pourrais y aller tous les jours », confie-t-elle. « Par la musique, on peut toucher les personnes atteintes de démence au niveau émotionnel. Ces concerts permettent de bien travailler sur leur mémoire, car après, on en reparle. On leur demande de quoi ils se souviennent. Alors, on chante à nouveau ensemble certains morceaux du programme », abonde son accompagnant.

    Organisés depuis 2022, ces concerts sont bien fréquentés et pas uniquement par des personnes atteintes de démence. Peter, par exemple, accompagne son fils autiste, Alex. « Mon fils écoute des concerts sur YouTube toute la journée. C'est ce qui le calme. Certains autistes ne peuvent pas supporter quand il y a trop de bruit ou trop de personnes dans une salle. C'est pourquoi les gros concerts sont difficiles. Les personnes ayant des besoins particuliers ne sont malheureusement toujours pas intégrés correctement dans la société. Mais ici, on rencontre d'autres familles avec des enfants handicapés et de nombreuses amitiés se sont déjà nouées », témoigne-t-il.

    Pour les musiciens aussi, cette expérience est remplie d'émotions, comme l'explique le pianiste Shimon Krizek et la violoniste Susanna Budzinski, tous deux polonais : « Je me souviens que lors d'un concert au cours duquel j'ai joué une aria. Un spectateur, probablement un ancien chanteur, a tenu la dernière note aussi longtemps que cela est possible. J'ai donc dû moi-même tenir cette dernière note. Parfois, j'ai l'impression que je vais me mettre à pleurer. C'est vraiment fantastique », explique, ému, le pianiste.

    « Habituellement, le public reste assis à apprécier la musique, mais ici, certains se mettent à chanter ou à danser. Ils nous envoient une grande énergie. C'est une expérience très enrichissante, non seulement pour les artistes, mais aussi pour le public, car il est scientifiquement prouvé que la musique aide les personnes atteintes de démence », abonde la violoniste. En Autriche, environ 170 000 personnes sont actuellement atteintes de démence.

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  • Ouragans: en Géorgie, les coupes budgétaires de l'administration Trump font craindre le pire
    Jun 19 2025

    Dans les régions menacées par les ouragans, les conséquences des coupes budgétaires menées par l'administration Trump au sein de la Fema, l’agence fédérale responsable de répondre aux catastrophes climatiques, suscitent l'inquiétude. Le pays pourra-t-il faire face ?

    De notre envoyé spécial à Statesboro,

    Il n’y a qu’une seule route pour accéder à l’île de Tybee, en Géorgie. Derrière la plage, des restaurants, bars et magasins touristiques. Quelques rues plus loin, Joachim Kelly tond sa pelouse. Il vit ici une partie de l’année. L’éventualité d’un ouragan et une baisse du budget de la Fema l’inquiètent. « Il y a beaucoup de personnes qui ne pourront pas reconstruire leur maison si la Fema ne fournit pas l’argent qu’elle devrait. Ils ne vous donnent pas une valise remplie d’argent, pas une somme excessive. C'est une somme estimée responsable à recevoir après une tempête », témoigne-t-il.

    Il estime que l’agence était loin d’être parfaite, mais la politique actuelle n’est pas la façon de régler le souci. « L’agence devrait être réorganisée. Mais pas par Donald Trump et son gouvernement. Tout ce que j’ai vu qu’ils ont fait a été mal réalisé. Aucune bonne chose ne va sortir de ce gouvernement », redoute-t-il.

    En plus d’apporter une aide financière aux particuliers, la Fema peut aider les villes ou les comtés. Jonathan Mccollar est le maire de Statesboro, une ville de quelque 35 000 habitants à plus d’une centaine de kilomètres, dans les terres. « On fait très attention à ce qu'il se passe depuis les annonces des coupes pour la Fema. Notre plus importante inquiétude est ne pas pouvoir se préparer et se remettre des catastrophes naturelles auxquelles on pourrait faire face », explique-t-il.

    La municipalité a déjà reçu la moitié de 2,5 millions de dollars après le passage de l’ouragan Hélène pour nettoyer les débris comme les arbres tombés sur la route. Sans la Fema, « cela serait une situation difficile pour n’importe quelle ville, y compris la nôtre, explique Charles Penny, le directeur général. Mais on nettoiera les conséquences de la catastrophe. Puis on regardera nos comptes. Nous avons des ressources limitées. Le conseil municipal devra envisager d’augmenter les impôts ou alors, on devra couper dans certains services pour être sûr de pouvoir continue à gérer la ville. »

    Et la prévision des ouragans pourrait être moins efficaces, car l’agence responsable de cela, l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique, a également été touchée par les coupes budgétaires.

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  • Royaume-Uni: un pacte dans les écoles pour interdire le portable avant 14 ans
    Jun 18 2025

    De plus en plus de voix s'élèvent pour mieux protéger les enfants des dangers d'internet et de l'addiction aux smartphones. La France a porté le débat au niveau européen. Avec la Grèce et l'Espagne, elle prône l'instauration d'une majorité numérique fixée à 15 ans. Les familles et le milieu scolaire n'attendent pas pour agir. Des initiatives voient le jour dans de nombreux pays. Au nord de Londres, dans la ville de St Albans, les parents et les établissements ont signé un pacte : « Pas de portable avant 14 ans ». 75% des parents, et 33 écoles sur les 36 que compte la ville en ont fait la promesse. À l'origine de cette initiative, l'école Cunningham Hill Junior School, qui accueille des enfants de 7 à 11 ans.

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  • Lutte contre la mafia en Italie: témoignage de l'ex-boss de la 'Ndrangheta
    Jun 17 2025

    En Italie, la Sicile emboîte le pas à la Calabre dans sa lutte contre la criminalité organisée. Le Parlement régional de la plus grande île italienne, berceau de Cosa Nostra, a voté à la fin du mois de mai une loi intitulée « Libres de choisir » qui étend le programme à toute la région après une expérience pilote à Catane. Ce programme a été mis sur pied par le juge pour enfants Roberto Di Bella et permet aux mineurs issus de familles mafieuses de faire l’expérience d’une nouvelle vie loin de leur famille et/ou de leur région d’origine. Car le destin des enfants qui grandissent avec les règles de la criminalité organisée comme seuls repères est souvent scellé d’avance. Le collaborateur de justice Luigi Bonaventura le sait. Ancien chef de clan de la 'Ndrangheta, la mafia calabraise, il s’engage aujourd’hui auprès des jeunes pour leur éviter une vie écrite d’avance par leurs parents. Cécile Debarge l’a rencontré.

    Un reportage à retrouver en intégralité dans Accents d'Europe.

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  • En Inde, la livraison ultra-rapide des objets du quotidien et des repas explose
    Jun 16 2025

    En quatre ans, le chiffre d’affaires des géants de la livraison explose. Il est passé de cent millions à six milliards de dollars. Et ce n’est qu’un début : il pourrait grimper jusqu’à quarante milliards d'ici à 2030. Mais derrière cette croissance fulgurante, des coulisses moins reluisantes du secteur : livreurs précaires, petits commerçants fragilisés.

    Ils filent à toute allure dans le chaos des routes encombrées de New Delhi. T-shirts rouges, oranges, assortis aux scooters. Dans leurs gros sacs : des fruits, un ordinateur, une robe… n’importe quoi peut être livré en moins de dix minutes. Naveen, lui, brave les 45 degrés sans s’arrêter. Il enchaîne les courses, infatigable. Une cinquantaine déjà, rien que cet après-midi.

    « C’est très difficile. Je n’ai pas vraiment de revenus. Les primes sont très faibles, par exemple 24 livraisons me rapportent seulement quatre ou dix euros. Ce n'est rien du tout. Si une meilleure opportunité se présente à l’avenir, je laisse tomber ce travail de livraison. Je veux trouver un emploi plus stable, moins fatigant. Parce qu’avec la chaleur, la pollution… c’est vraiment difficile ».

    Le succès des livraisons rapides a aussi ses revers. Les petits commerçants de rue, comme Navratan, qui tient un stand de fruits et légumes en bord de route, en ressentent les effets : « C’est vrai qu’on subit des pertes à cause des ventes en ligne. Et en ce moment, c’est surtout la chaleur qui nous pose problème : les produits s’abîment plus vite. La vente en ligne nous impacte déjà beaucoup, mais avec cette chaleur, les marchandises se détériorent encore plus. On perd beaucoup de ventes à cause de tout ça. Et qu’est-ce qu’on peut faire ? Ça nous affecte énormément. On n’arrive même plus à travailler correctement ».

    Pour Satish Meena, spécialiste des questions de consommation, le boom économique de ces plateformes de livraisons rapides s’explique principalement par l'implantation de « dark store », ces magasins fermés au public, utilisés exclusivement pour préparer des commandes en ligne : « Les clients sont désormais prêts à mettre le prix pour ce service. Les consommateurs sont passés des commerçants de quartier aux "dark stores". Ces "dark stores" permettent de mieux contrôler les stocks, de préparer les commandes plus rapidement, et d'avoir une visibilité en temps réel sur les produits disponibles. Le taux de satisfaction de la commande chez Zomato est aujourd’hui de 99,9 %. Les clients reçoivent presque toujours ce qu’ils commandent ».

    En Inde, la Confédération des commerçants, qui représente près de 90 millions de petites entreprises, appelle à un mouvement de protestation nationale contre la prolifération des « dark stores ».

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  • Ann, le bébé de Gaza sauvé par Hanna, Américaine juive de New York
    Jun 15 2025

    Dans le chaos de Gaza, il y a des histoires humaines fortes qui passent complètement sous silence. C’est l’une de ces histoires que nous souhaitons vous raconter aujourd’hui. Celle d’une famille gazaouie sauvée - sans le savoir - par des Américains de confession juive. Un scénario digne d’un film rendu possible par la magie des réseaux sociaux et par la bonté discrète, mais puissante, d’une jeune trentenaire nommée Hannah. Une histoire qui nous emmène à Gaza, au Caire et à Brooklyn.

    De notre correspondante à Ramallah,

    Dans le tourbillon du Caire, une amie me présente Marwan. Un Palestinien d’une trentaine d’années. Le jeune homme a l’air un peu ailleurs. À 300 km de là, certains de ses amis vivent sous les bombes. Il tente de les aider comme il peut : « J’ai posté un message sur mon compte Instagram. J’ai expliqué que j’essayais de fournir des tentes à des gens à Gaza et que ceux qui voulaient participer pouvaient me contacter. C’est comme cela que tout a commencé. Je ne me souviens pas avec précision du montant que l’on a réussi à lever, mais je crois que c’était entre 80 et 90 000 dollars en tout. »

    La magie des réseaux sociaux opère. Parmi ceux qui répondent à son appel, il y a Hanna, trentenaire de Brooklyn. C’est elle qui va contribuer à lever le gros de la somme : « Je descends d’Ukrainiens juifs qui ont subi des pogroms en Ukraine au début du XXᵉ siècle. Ils ont dû fuir leur village, certains ont été assassinés. Je sais que si nous sommes vivants, nous, c’est parce que des personnes ont été bons avec mes ancêtres. Comme j’ai bénéficié de cette gentillesse, j’estime que c’est à mon tour d’agir de la sorte avec les autres. »

    Hanna a été élevée dans une famille juive pratiquante. En hébreu, « Tikkun Olam » signifie « Réparer le monde ». Un précepte du judaïsme qu’elle tente d’appliquer à son échelle. Grâce aux fonds levés par Hanna auprès de la communauté juive de Boston, neuf Gazaouis ont pu quitter l’enclave.

    À l’époque, chaque passage se monnaie aux alentours de 5 000 euros par tête. À payer cash à une agence de voyage égyptienne. Nous décidons de joindre l’un des Gazaouis exfiltrés. Sofiane est ingénieur en informatique. Il est établi à Boston désormais : « On a décidé de quitter Gaza quand le cessez-le-feu a pris fin et que les Israéliens ont menacé d’entrer à Rafah. On s’est donc dit que la seule solution était finalement de quitter Gaza, d’autant que ma femme était enceinte. »

    « C'est fou que j'aie choisi ce prénom-là »

    Le 7 février 2024, jour de son départ de Gaza, restera gravé dans sa mémoire à jamais. Quelques heures seulement avant le passage de la frontière, son épouse donne naissance à sa deuxième petite fille. « J’ai appelé ma fille Ann. »

    - « Et quand tu l’as prénommée ainsi, tu ne savais rien de Hanna, tu ne connaissais pas son prénom », lui demande notre correspondante.

    - « Non, et d’ailleurs, j’en ris là… Wow… C’est fou que j’aie choisi ce prénom-là. Je viens d’apprendre son prénom grâce à toi », répond Sofiane, très ému.

    - « C’est beau ! Ann et Hanna. J’espère que vous vous rencontrerez un jour… »

    - « Ann et Hanna... Oui, j’espère, répond Sofiane. Je veux lui présenter Ann. La petite Ann ! Ce bébé miraculé né à 3 heures du matin et qui à 7 heures était à la frontière pour quitter Gaza. »

    Hanna souhaitait rester discrète. Car elle estime que la vraie générosité n’attend rien en retour. Sofiane a demandé son contact. Loin du fracas des bombes, Ann et Hanna vont enfin pouvoir faire connaissance.

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