Leur nombre a explosé dans les villes françaises depuis dix ans : les caméras de vidéosurveillance se sont imposées comme un élément de la sécurité des citoyens. Qu’en est-il réellement ? Sont-elles efficaces contre la délinquance ? Et d’ailleurs, à quoi mesure-t-on cette efficacité ?

C’est à ce sujet que s’attaque Etienne Tabbagh, professeur d’économie marseillais et hôte de l’émission de vulgarisation économique Splash, produite par Nouvelles Ecoutes. Deux fois par mois, il “jette un pavé dans la mare de l’économie” en répondant à une question piquante avec des spécialistes. Depuis la rentrée, sa consoeur Laureen Melka l’accompagne à chacun de ces rendez-vous. De quoi “vous permettre de gagner des points de pertinence à la machine à café”, selon le quotidien .

Popularisée grâce au plan du Président Nicolas Sarkozy en 2009, qui consiste à subventionner en partie le coût d’installation des caméras, la vidéosurveillance a été déployée un peu partout en France. Etant donné que ce coût, justement, n’est pas neutre, on est en droit de s’interroger sur son effet sur l’insécurité.

Première difficulté, selon notre prof d’éco préférée : quand bien même on noterait une baisse de la délinquance à partir de l’installation des caméras, on ne pourrait pas pour autant affirmer que les deux éléments sont liés. “Corrélation ne vaut pas causalité”, rappelle Eric Tabbagh.

C’est là qu’intervient Laurent Mucchielli, sociologue et auteur du livre Vous êtes filmés ! Enquête sur le bluff de… la vidéosurveillance. Celui qui a pénétré les dispositifs de vidéosurveillance dans trois villes de taille très différentes analyse leur efficacité à travers trois critères : la vidéosurveillance permet-elle de réprimer la délinquance ? Permet-elle de dissuader la délinquance ? Enfin, est-ce qu’elle rassure les habitants ?

Le résultat est plutôt mitigé, voire médiocre. “La vidéo n’est pas l’instrument qui va révolutionner l’élucidation parce que ça serait le flagrant délit absolu”, insiste le sociologue. “Non, la plupart du temps, c’est un élément dans une enquête parmi d’autres.” Pire, les images utiles dans le cadre d’une investigation sont dérisoires, puisqu’elles représentent entre 1 et 3 % du total des enquêtes du commissariat ou de la gendarmerie sur une année entière. Et on ne parle même pas de leur contribution à l’élucidation d’une affaire…

Et la dissuasion ? Non seulement elle est compliquée à évaluer, mais en plus les caméras auraient plutôt tendance à reporter la délinquance sur d’autres quartiers plutôt qu’à l’éliminer. “Pour la stopper, il faudrait vidéosurveiller la totalité des rues d’une ville, ce qui est évidemment financièrement impossible”, souligne Laurent Mucchielli.

Et pour le dernière critère, le fait de rassurer la population, tout dépend de la façon dont on pose la question. Si l’on rappelle l’impact financier de déploiement du système, l’adhésion des habitants est en fait plutôt faible. Car si les fabricants insistent sur le faible coût des machines, tout le reste représente une somme non négligeable : le système de raccordement et l’emploi d’agents municipaux pour surveiller les images en direct. Là, il n’est plus question de subvention de l’Etat : les coûts de fonctionnement incombent, eux, aux communes.

Bref, si on fait le rapport coût/efficacité, le bilan est franchement médiocre. “Dans un certain nombre de petites villes et de villages qui s’équipent massivement aujourd’hui, j’ai montré très facilement qu’il n’y a pas de problème majeur de sécurité”, s’exaspère le sociologue.

Et si on allouait cet argent à autre chose, pour répondre aux véritables besoins des habitants et non aux projections fantasmées des élus ?

Ça sert à quelque chose la vidéosurveillance ?

A quoi sert la vidéosurveillance ? Est-elle efficace pour lutter contre la délinquance ? Et d'ailleurs, comment mesure-t-on cette efficacité ? Dans cet épisode de l'émission de vulgarisation économique Splash, Etienne Tabbagh démystifie le rôle de ces caméras qui se multiplient dans nos rues.