Les meilleurs livres de Delphine de Vigan
Derrière une plume à la fois pudique et percutante, Delphine de Vigan s’impose comme l’une des voix majeures de la littérature contemporaine française. Ses romans, souvent inspirés de faits réels et d’expériences intimes, explorent les blessures invisibles, les liens familiaux, les dérives sociales et les chemins de résilience. Qu’on entre pour la première fois dans son monde ou qu’on le retrouve avec émotion, les livres de Delphine de Vigan frappent par leur justesse. Découvrez notre sélection.
Qui est Delphine de Vigan ?
Née en 1966 à Boulogne-Billancourt, Delphine de Vigan est tombée, dès son plus jeune âge, amoureuse de la littérature. Elle s’inscrit alors au Centre d’études littéraires et scientifiques appliquées. Son diplôme en poche, elle décide pourtant de ne pas faire carrière dans le monde littéraire puisqu’elle travaille dans un institut de sondage. Bien qu’elle occupe un poste de directrice, elle prendra en 2008 la décision de vivre pleinement sa passion pour la littérature. En 2001, elle publie un premier roman semi-autobiographique, « Jours sans faim », sous le pseudonyme de Lou Delvig. Ce premier pas dans la littérature remporte un franc succès et la conforte dans son envie de faire carrière dans ce milieu. Après ce récit, elle prend confiance et sort sous son vrai nom le recueil de nouvelles « Les jolis garçons » ainsi que le roman « Un soir de décembre » en 2005 Suivra un troisième roman, « No et moi », en 2007 qui lui permet d’obtenir ses premières récompenses : le Prix des libraires et le Prix du Rotary. Un an après le succès de « No et moi », Delphine de Vigan se consacre enfin entièrement à sa passion. En 2009, elle est récompensée par le Prix du roman d'entreprise pour ses « Heures souterraines » qui a également obtenu le Prix des lecteurs de Corse en 2010. Ce roman a d’ailleurs été adapté pour Arte. Le succès de Delphine de Vigan ne s'arrête pas là puisqu’en 2009 puis en 2011, ses romans sont pressentis pour recevoir le fameux Prix Goncourt. En 2011, elle obtient le Prix du roman Fnac, le Prix Roman France Télévisions et le Prix Renaudot des Lycéens pour « Rien ne s'oppose à la nuit » ainsi que le grand Prix des lectrices Elle 2012. En 2015, la romancière reçoit le Prix Goncourt des lycéens et le Prix Renaudot pour son sixième roman, « D’après une histoire vraie ». Le roman est adapté pour le cinéma par Roman Polanski. C’est à cette époque qu’elle rencontre son compagnon actuel, l’animateur et critique littéraire français François Busnel. Après son roman « Les loyautés », paru en 2018, elle continue à explorer les grandes valeurs humaines avec « Les gratitudes » paru en mars 2019 et « Les enfants sont rois » (2021).
Appréciée autant du public que des critiques, Delphine de Vigan n’a cessé de gagner en popularité depuis ses débuts. Elle fait partie aujourd’hui des écrivain.es français.es réalisant les meilleures ventes.
Delphine de Vigan : une plume entre fiction et réalité
D'abord contrainte d’écrire le soir ou la nuit en raison de son emploi, Delphine de Vigan ressentait une forme de tension, une écriture arrachée au quotidien, difficile à concilier avec sa réalité. Son licenciement marque un tournant, lui permettant désormais d’écrire à la lumière du jour. Elle peut alors s’immerger pleinement dans les univers qu’elle explore, nourrissant son travail d’une part importante de documentation. Lorsqu’elle aborde un métier ou un environnement particulier, elle cherche à en approfondir la connaissance autant que possible.
Depuis ses premiers textes, Delphine de Vigan tisse une œuvre qui puise sa force dans les zones d’ombre du réel. L’intime devient matière à fiction, non pour s’exhiber, mais pour mieux interroger ce qui vacille en chacun.e. L’anorexie dans « Jours sans faim », la douleur d’une mère en proie à des troubles bipolaires dans « Rien ne s’oppose à la nuit » ou encore cette écrivaine, double possible d’elle-même, envahie par le silence de la page blanche dans « D’après une histoire vraie » : Autant de récits où la frontière entre vécu et imagination s’efface, brouille les pistes, et captive.
Entre lucidité crue et finesse émotionnelle, Delphine de Vigan explore les fêlures humaines avec une acuité rare. Derrière chaque récit, un geste d’observation, presque documentaire, qui révèle les violences sourdes de notre époque : le harcèlement moral au travail dans « Les Heures souterraines », la dérive silencieuse de l’adolescence dans « Les Loyautés » ou encore la solitude sociale dans « Les Gratitudes ». Ses thèmes de prédilection sont entre autres l’amitié, l’amour, l’adolescence, la dépression, les relations entre hommes et femmes. Son écriture éclaire ce qui se tait, ce qui se brise, ce qui parfois se répare.
Quand la voix porte les émotions : Les meilleurs livres de Delphine de Vigan
Nous vous proposons une sélection des meilleurs romans de Delphine de Vigan classés dans l’ordre de parution.
Jours sans faim (2001)
Un récit poignant, d'une rare intensité et sobriété.
À dix-neuf ans, Laure est hospitalisée, corps brisé, âme à vif, après avoir flirté avec la mort. Trente-six kilos pour autant de silences accumulés. Derrière ce prénom fictif, c’est Delphine de Vigan elle-même qui se dévoile, dans un récit d’une honnêteté bouleversante. « Jours sans faim » retrace les trois mois d’une hospitalisation dans un service de nutrition. Laure y est alimentée par sonde, observée, soutenue, parfois mal comprise. Chaque geste médical, chaque rencontre, qu’elle soit tendre, maladroite ou brutale, devient une étape vers une fragile reconquête de soi. L’anorexie, ici, n’est ni une coquetterie ni une simple dérive de l’adolescence, mais une guerre intérieure, âpre et complexe, livrée contre un corps devenu étranger. L’écriture, à la fois pudique et tranchante, transcrit la douleur, la honte, mais aussi l’ironie lucide, la peur de guérir et la peur de mourir. Delphine de Vigan n’épargne rien, à personne. C’est ce qui rend ce premier roman si fort. Dans cette lutte pour la vie, on devine déjà la plume singulière d’une autrice capable de transformer le réel en matière littéraire. Une belle leçon de courage.
Un soir de décembre (2005)
Mathieu Brin a tout pour être heureux : un premier roman acclamé, une épouse aimante, deux enfants, une vie bien rangée. Mais il suffit d’une lettre, d’un nom griffonné dans une encre familière, Sara, pour que tout vacille. Dix ans plus tôt, elle et lui avait vécu une passion éphémère mais inoubliable. Elle réapparaît sans bruit, sans s’imposer, mais son absence passée devient soudain insupportable. Commence alors pour Mathieu un glissement silencieux. Sous prétexte d’écrire son second roman, il rouvre les portes du passé et se laisse happer par un désir obsédant, irrépressible, destructeur. Sara devient le cœur battant de son écriture, le spectre de ses nuits, la faille par laquelle tout ce qu’il croyait stable s’effondre.
Dans une prose à la fois limpide et vibrante, Delphine de Vigan explore ici les territoires fragiles du désir, de la fidélité et de la mémoire. « Un soir de décembre » est un roman sur la fragilité humaine, sur la ligne de crête entre le bonheur et le vide, et sur ce moment suspendu où le passé ressurgit et réclame sa place dans le présent.
No et moi (2007)
Delphine de Vigan nous offre un roman lumineux et grave à la fois où deux solitudes que tout oppose vont s’apprivoiser. Lou Bertignac a treize ans mais pense comme si elle en avait vingt. Surdouée, décalée, hypersensible, elle observe le monde sans vraiment y trouver sa place. Chez elle, le silence est pesant depuis la mort de sa petite sœur et sa mère s’est enfermée dans une douleur muette. Lorsqu’un professeur demande à Lou de présenter un exposé, elle choisit un thème qui la touche : les sans-abri. C’est une décision instinctive qui va bouleverser sa vie. À la gare d’Austerlitz, elle croise le regard de No, jeune SDF au visage fermé, au corps amaigri par les privations. Elle l’invite timidement à boire un verre. À partir de ce moment-là, tout change. Entre Lou et No, une amitié improbable va naître. L’une vit dans la rue, a grandi sans foyer. L’autre a un toit, des livres, une famille. Toutes deux, pourtant, sont en exil intérieur. C’est ce fil invisible de l’exclusion qui les lie. Elles vont s’attacher, s’aider l’une l’autre. Mais la réalité, parfois, rattrape même les plus beaux élans.
Dans un style sobre et juste, Delphine de Vigan donne chair à des existences fragiles, à des blessures qu’on devine derrière les silences. Elle tisse un récit d’une profondeur bouleversante. À travers ses personnages, elle interroge la marge, l’amour, les failles familiales, le passage à l’âge adulte et cette envie brûlante de croire encore à l’impossible. Un roman plus que touchant.
Les heures souterraines (2009)
Le roman suit deux personnages brisés par la vie : Mathilde, cadre brillante et veuve, et Thibault, médecin urgentiste désabusé. Mathilde, mère de trois enfants, voit sa vie professionnelle sombrer après avoir contredit son supérieur. Celui-ci entreprend de la détruire méthodiquement par un harcèlement moral sournois, la reléguant peu à peu à l’invisibilité. D’abord dans le déni, Mathilde s’épuise, moralement anéantie, piégée dans une spirale de silence et de souffrance, incapable de réagir. Thibault, lui, soigne les corps mais ne parvient pas à panser les plaies du cœur. Il vient de quitter une femme qui ne l’aimait pas. Marqué aussi par un accident qui a mis fin à son rêve de devenir chirurgien, il se réfugie dans un quotidien surchargé, traversant Paris au chevet de patients esseulés, reflet de sa propre solitude.
Dans le chaos anonyme du métro parisien, ces deux êtres cabossés cheminent chacun de leur côté, emportés dans une ville où tout le monde se croise sans se voir. Le roman peint avec acuité une société déshumanisée, où les plus fragiles s'effondrent dans l'indifférence générale. Ce sont les heures souterraines, ces moments où l’on touche le fond, sans que personne ne s’en aperçoive.
Rien ne s’oppose à la nuit (2011)
Dans ce récit vertigineux, Delphine de Vigan remonte le fil de la vie de Lucile, sa mère. Une vie marquée par l’excès, la lumière et la tragédie. Née dans une fratrie de neuf enfants, Lucile grandit au sein d’une famille débordante d’énergie, d’apparence joyeuse. Mais derrière cette façade solaire, les failles se creusent : silences assourdissants, morts inexpliquées, secrets inavoués. Le père, charismatique mais profondément toxique, s’impose comme une figure de confusion, d’ambiguïté et de douleur. Peu à peu, Lucile vacille. La maladie mentale s’installe, la bipolarité, insaisissable et implacable, ronge son équilibre et l’enferme dans un cycle d’euphories et d’effondrements. Malgré son amour sincère pour ses filles, malgré les traitements, l’espoir, parfois, semble inaccessible, car dans ce tunnel rien ne s’oppose à la nuit.
Avec une honnêteté bouleversante, Delphine de Vigan mêle enquête, mémoire et fiction pour dresser le portrait nuancé d’une femme tourmentée et affronter les zones d’ombre de sa famille. Elle interroge le pouvoir de la littérature à dire l’indicible, à reconstituer les fragments d’un passé fendu de douleurs. Ce livre est une plongée intime dans la noirceur, éclairée par une écriture maîtrisée et profondément humaine.
D’après une histoire vraie (2015)
Après le succès dévastateur de « Rien ne s’oppose à la nuit », Delphine, double à peine voilé de l’autrice, se retrouve face à l’épreuve de l’après. Que dire encore après avoir mis sa propre vie à nu ? Doit-elle poursuivre cette voie autobiographique ou revenir à la fiction ? La page reste blanche, le doute s’installe. C’est à ce moment de vertige qu’apparaît L., femme énigmatique, élégante, un peu trop présente. D’abord confidente, elle devient peu à peu indispensable, intrusive, presque toxique. L. s’immisce dans chaque recoin de la vie de Delphine, la dépossède de son espace, de ses choix, de son écriture. Jusqu’à faire vaciller sa santé mentale. Est-elle réellement là ? Ou Delphine perd-elle pied, seule face à ses fantômes et à sa solitude d’écrivaine ?
Dans ce thriller psychologique, Delphine de Vigan brouille les pistes entre réel et fiction, entre confidences intimes et vertige romanesque. L’histoire trouble autant qu’elle fascine, portée par une écriture précise et insidieuse, qui nous entraîne au cœur même du processus créatif, là où la vérité se heurte au mensonge, où le vécu devient récit.
Les loyautés (2018)
Delphine de Vigan explore dans ce roman les liens invisibles qui nous attachent aux autres. Elle donne voix à quatre personnages, quatre consciences écorchées, unies par le silence, la douleur et un sens aigu du devoir.
Théo a 12 ans. Il vit entre deux mondes : La solitude triste de son père dépressif, le regard suspicieux d’une mère rongée par le ressentiment. Chaque semaine, il change de maison. Théo se tait et porte sa détresse comme un poids secret, honteux, qu’il tente de noyer dans l’alcool. Seul Mathis, son meilleur ami, connaît ce secret. Et parce qu’il admire Théo, il se tait aussi, ment, vacille à son tour. Hélène, leur professeure de SVT, voit ce que d’autres ne voient pas. Elle reconnaît, chez Théo les signes d’un mal plus profond. Elle en est certaine, car elle aussi a connu la peur et le silence. Alors elle agit, portée par une loyauté viscérale. Et puis il y a Cécile, la mère de Mathis. Un couple en déséquilibre, un secret conjugal, une éducation stricte qui se veut irréprochable. Mais que faire quand son propre fils commence à dérailler ?
Dans ce court roman à plusieurs voix, Delphine de Vigan dissèque avec une précision troublante les loyautés invisibles : celles qu’on donne sans mesure, sans recul, au nom de l’amitié, de l’amour ou du passé. Un texte bouleversant.
Les gratitudes (2019)
Michka, autrefois correctrice rigoureuse et femme de lettres, perd peu à peu l’usage des mots. L’aphasie s’installe, insidieuse, la laissant parfois démunie, souvent frustrée. Les mots lui échappent, se bousculent, s’effondrent dans le silence, et avec eux, c’est une part de sa liberté qui s’efface. Quand elle ne peut plus vivre seule, Marie, jeune femme qui lui doit tant, lui trouve une place en maison de retraite. Là, Jérôme, un orthophoniste discret et bienveillant, tente de retarder l’inéluctable. À travers leurs regards croisés, Delphine de Vigan tisse un récit à trois voix, empreint de douceur, de silences et de reconnaissance. Car au-delà du déclin, ce roman parle de ces mercis qu’on ne dit pas, qu’on tait jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Michka porte en elle un regret profond : n’avoir jamais remercié le couple qui l’a recueillie durant la guerre. Cette gratitude inassouvie devient le cœur battant du récit.
Avec sa délicatesse habituelle, Delphine de Vigan aborde ici les thèmes de la vieillesse, de la perte d’autonomie, de la tendresse des liens intergénérationnels. Son écriture, précise et poétique, parvient à faire vibrer chaque mot, même ceux que Michka n’arrive plus à prononcer. Ce romanest un hommage à tous ces liens invisibles qui nous tiennent debout.
Les enfants sont rois (2021)
Dans ce roman glaçant mené comme un thriller, Delphine de Vigan explore avec une lucidité implacable les dérives d’un monde ultra-connecté, où la frontière entre vie privée et mise en scène s’est définitivement effondrée. Ce livre n'est pas sans rappeler le dernier roman d'Olivier Bourdeaut « Florida » avec sa jeune héroïne en proie à la folie d'une mère.
Mélanie, d’abord simple spectatrice fascinée par la télé-réalité, ne rêve que de reconnaissance. Lorsqu’elle devient mère, elle transforme ses enfants en vecteurs d’audience. Sur sa chaîne YouTube Happy Récré, chaque sourire, chaque goûter, chaque anniversaire devient contenu. Le succès est fulgurant, les abonnés se comptent en millions. Mais à quel prix ? Le jour où Kimmy, sept ans, disparaît, le vernis craque. Et l’envers du décor se révèle. Face à cette disparition, Clara, procédurière, mène l’enquête. En découvrant l’univers de ces familles surexposées, elle prend la mesure d’un phénomène effarant : L’exploitation d’enfants privés de droits, filmés, commentés, marchandisés à des fins lucratives, sans que personne ne songe à les protéger. À travers les regards croisés de Mélanie et Clara, l’autrice interroge les responsabilités de chacun : celle des parents, des plateformes, des spectateurs. Et elle nous confronte à une réalité trouble, où les enfants sont rois… mais souvent sacrifiés sur l’autel de la célébrité.