Prix Goncourt, prix Renaudot, prix de Flore, prix Wepler, autant de récompenses littéraires qui mettent la littérature en avant. Mais tout ceci est un processus bien huilé qui se prépare plusieurs mois en amont, et qui a des conséquences parfois très importantes pour une maison d’édition ou une écrivain.e. Car lorsqu’on attribue un prix à un ouvrage, c’est un gain de ventes assuré, accompagné d’une reconnaissance plus ou moins établie dans le milieu. Petit tour d’horizon d’une tradition française mondialement connue !
Un puissant symbole littéraire
Rares sont les Français.es à n'avoir jamais entendu parler du prix Goncourt. Créé par le testament d'Edmond de Goncourt en 1892, le premier Prix de l’Académie est décerné en 1903 à John-Antoine Nau pour « Force ennemie ». Depuis, les prix littéraires ont fleuri, du prix Renaudot au prix Femina, en passant par le prix de l’Académie Française. Au total, chaque année, plus de 2000 prix sont décernés, ce qui nous laisse penser la force de ce type de récompense !
Un.e écrivain.e primé.e est donc d’abord un être qui pense, qui sait raconter une histoire, inventer des personnages et résoudre ses propres énigmes. Et cela nous ramène tout simplement à l’acte final qui touche directement le public : le livre.
Je voulais vivre d’Adélaïde de Clermont-Tonnerre — Prix Renaudot 2025
Et si Milady de Winter n’avait pas été le monstre que Dumas nous a dépeint ? Dans « Je voulais vivre », Adélaïde de Clermont-Tonnerre revisite avec brio l’un des mythes les plus fascinants de la littérature française. À travers les confessions tardives de d’Artagnan, la romancière redonne voix à Anne de Breuil, alias Milady, exécutée à vingt-cinq ans et longtemps réduite au rôle de « diablesse ». De son enfance volée à ses amours brisées, de ses trahisons à ses renaissances successives, Milady apparaît ici dans toute sa complexité : victime autant qu’instigatrice, manipulée avant d’apprendre à manipuler, abusée puis redoutée. Marquée au fer rouge, condamnée par un tribunal d’hommes, elle choisit la vengeance pour survivre… un cri bouleversant, celui d’une femme qui « voulait vivre ».
Servi par une langue somptueuse et un souffle romanesque digne des plus grands classiques, ce roman offre une lecture neuve et puissante du mythe des « Trois Mousquetaires ». Adélaïde de Clermont-Tonnerre y signe un excellent plaidoyer pour la réhabilitation de cette figure féminine tragique, transformant l’ennemie des mousquetaires en héroïne moderne, libre et inoubliable.
Jacaranda de Gaël Faye — Prix Renaudot 2024
Nous faisons connaissance de Milan en 1994, alors qu'il a 12 ans ; il vit avec sa mère d'origine rwandaise en France. Quelques années plus tard, lorsque sa mère l'emmène au Rwanda avec elle, Milan découvre alors une grand-mère et le pays de ses racines. A travers les terribles drames vécus par les personnages, à travers les récits d'une très vieille dame, Gaël Faye nous fait découvrir un pays marqué par les tueries incessantes contre les Tutsis. Il nous raconte sur quatre générations l’histoire terrible de ce pays qui, malgré tout, s’essaie à la réconciliation. « Jacaranda », un roman poignant sur l’humanité. Digne d’un prix littéraire. Ce roman offre une compréhension intime du Rwanda et brise le silence, si nocif pour la résilience des nouvelles générations ; un second roman, incroyablement lumineux et facile à lire ou écouter malgré l'extrême sensibilité de son sujet. Il a incontestablement mérité le même succès que le premier roman « Petit pays ».
L’influence des prix littéraires
Il va sans dire qu’au-delà de la confiance que l’on peut accorder à un prix littéraire, ces derniers représentent un véritable pass pour le succès de librairie. À la seule évocation du nom du Prix Goncourt de l’année, les ventes dans les mois à venir sont vouées à augmenter de façon significative, parfois même très significative. C’est bien là la preuve qu’aujourd’hui encore, un prix est, de fait, prescripteur, et qu’il constitue le cadeau.
Le prix Goncourt promet à son auteur ou autrice une moyenne de 400 000 exemplaires vendus, le prix Renaudot, près de 200 000, le prix Médicis 55 000, alors que le Goncourt des Lycéens 132 000.
Il s’agit là d’une sélection parmi les prix les plus importants en France, et tous ne constituent évidemment pas une telle promesse de ventes, mais il s’avère que le prix littéraire est, encore aujourd’hui, l’assurance d’être en bonne position sur les étagères des librairies.
Des prix de plus en plus ciblés
Entre Renaudot, Interallié, Académie Française, les prix ont aussi tendance à être perçus comme trop élitistes, et à ne prendre en compte qu’une certaine partie de la production littéraire française. C’est la raison pour laquelle des prix plus spécifiques ont été créés. Parmi eux, on pourrait citer le prix des étoiles Librinova (pour l’auto-publication), le prix Mallarmé (pour la poésie), le prix Décembre (autoprocalmé “anti-Goncourt"), le Grand Prix de Littérature Policière, le prix de Flore (pour un écrivain.e jugé.e prometteu.se), ou encore le prix du livre audio !
Car si les Prix littéraires ont besoin de légitimité pour exister, ils ont également besoin de parler à un public. Or, tout le monde n’aime pas la littérature historique, et bon nombre d’entre nous se tournent davantage vers des romans noirs ou vers de la littérature étrangère. C’est la raison pour laquelle la diversité des prix permet désormais d’installer une plus grande confiance en ces derniers. Un prix spécialisé, et c’est l’assurance d’être bien conseillé.e !
Et loin du carcan trop intellectuel des récompenses, les prix des lycéens font de plus en plus parler d’eux, et pour cause. Décerné par des élèves de lycée, ils dépoussièrent le principe de prix, et symbolisent que la littérature n’est pas destinée aux intellectuels et aux nantis. Est-ce que quelqu’un en doutait encore ici ?
Un prix littéraire permet sans aucun doute à une partie de la population de découvrir des écrivain.e.s et des univers.
Tout ceci ne doit jamais nous faire oublier qu'un prix doit avant toute chose être l’occasion de découvrir un auteur ou une autrice, d’être subjugué.e par un ouvrage, d’être déçu.e par un autre, de réfléchir sur un thème donné, bref, de lire ou écouter !








