Les yeux couleur de pluie

Vous avez démarré votre carrière littéraire grâce à l’auto-édition, vous avez publié votre premier livre (Les yeux couleurs de pluie) sur la plateforme Amazon. Pourquoi peut-on dire que c’était une bonne idée ?

Effectivement, quand j’ai fini mon texte, je l’ai d’abord fait lire à mes proches, qui m’ont conseillé de le publier, et j’ai voulu faire les choses dans les règles de l’art. J’avais choisi seize maisons d’édition qui pouvaient correspondre à la ligne éditoriale du livre, et au bout de plusieurs mois, j’avais juste reçu deux lettres qui n’étaient finalement qu’une ligne qui me disait qu’ils refusaient le texte sans trop d’explications. J’étais un peu déçue, je ne savais pas s’il avait vraiment été lu, et j’avais vraiment envie d’un retour de professionnel sur mon texte. Pas parce que je croyais que c’était exceptionnel, mais j’avais vraiment envie d’avoir un retour sur mon travail. On m’a donc conseillé de l’auto-éditer, j’ai un cousin qui est photographe et qui m’a fait une super couverture, et en un clic, j’ai posté mon texte la peur au ventre avec cette belle couverture. Avec l’envoi de mon manuscrit, c’était très long, alors que sur la plateforme, au bout de trois semaines, j’étais numéro 1 du classement Amazon. J’étais donc très visible, avec plus de 100 lecteurs par jour qui téléchargeaient le texte, et des retours immédiats, avec des étoiles qui pleuvaient sur la plateforme. Au bout de trois semaines, un premier appel d’une éditrice d’une très grande maison d’édition parisienne, puis rapidement, une deuxième, avec le choix de la maison d’édition que je voulais avoir. Effectivement, dans mon cas, l’auto-édition était une bonne idée, et un véritable tremplin.

En quoi votre première trilogie, disponible en audiobook, a changé votre vie ?

Effectivement, avant je n’avais qu'un seul métier (médecin, neurologue à l’hôpital), et rapidement, avec le succès de cette trilogie, mon deuxième métier d’auteure a pris de l’ampleur. J’ai dû conjuguer avec ces deux activités qui finalement, se nourrissent l’une et l’autre, puisque je m’inspire de mon métier de médecin pour écrire, et l’écriture me permet d’être plus zen à l’hôpital, et peut-être même de prendre plus de recul sur les choses.

Désormais, vos ouvrages sont publiés par Albin Michel, qu’est-ce qui change lorsqu’on est publiée par une maison d’édition ?

J’ai choisi Albin Michel dès mon premier roman et je ne regrette pas. Être accompagnée par une maison d’édition, ça change tout, puisqu’en autoédition, on est seule face au géant internet, face à ses lecteurs. Comme ça n’était pas mon métier, je ne maîtrisais pas grand-chose de ce monde-là. Chez Albin Michel, je ne compte pas les personnes qui s’occupent du livre : mon éditrice avec qui je discute du texte et qui me connaît bien, comme une amie, qui sait mes projets, mes envies, ce que j’ai envie de véhiculer. Mon attachée de presse, qui s’occupe du lien avec les journalistes. Il y a aussi le directeur marketing, qui s’occupe de toute la promotion (qui me dépasse complètement), il y a aussi le labo graphique, qui réfléchit aux couvertures, le directeur éditorial, et j’en passe !

Vous avez notamment publié Les yeux couleurs de pluie, Qui ne se plante pas ne pousse jamais, Va où le vent te berce : Quelle est l’importance des titres dans votre œuvre ?

C’est un vrai casse-tête ! Je veux qu’il y ait un lien réel avec le texte, je veux qu’il ait une dimension poétique, qu’il donne envie à la lecture sur un étalage de livres, qu’il y ait aussi un lien avec la Bretagne, souvent, comme mon dernier titre, Va où le vent te berce, qui est comme un mantra, et qui colle à l’histoire de ce dernier ouvrage.

En parallèle de votre carrière d’écrivaine, vous êtes également neurologue : l’hôpital est aussi une source d’inspiration pour vous ?

Oui, comme je le disais, l’hôpital est un vivier pour l’écriture. On est très vite dans l’intimité des familles, des gens, qui vivent des moments difficiles, on côtoie la maladie, la mort, avec le regard qu’ils ont face à ça. On rencontre des parcours de vie différents, des caractères. L’hôpital c’est aussi le travail en équipe, il faut savoir composer avec les personnalités de chacun, mais aussi savoir s’entraider régulièrement, surtout en période de pandémie. La solidarité est très importante à l’hôpital.

Entre mes doigts coule le sable

Vous écrivez depuis que vous êtes toute petite, mais avez-vous une discipline d’écriture ?

J’écris effectivement depuis que je suis petite, des poèmes, notamment. Mon premier roman était Les yeux couleur de pluie, je n’avais jamais écrit un texte aussi long avant. Mes études de médecine ont été très prenantes, et j’ai commencé à avoir du temps quand mes enfants ont commencé à dormir la nuit. Ma discipline d’écriture est d’écrire tous les soirs en semaine, quand ils sont couchés. Vers 21h, j’ouvre mon ordinateur, je commence l’écriture, et c’est vrai que comme mon premier métier rythme énormément mes semaines, je suis très rythmée dans l’écriture. Depuis peu, je m’octroie également le vendredi après-midi pour écrire dans un pub en face de la mer. Mais avant d’écrire mon premier livre, il y a toujours eu cette envie de création qui était là. Même lorsque j’étais étudiante en médecine, j’animais une troupe de théâtre, et on avait réalisé l’interprétation de La maladie de Sachs de Martin Winckler. Je n’écrivais pas, mais il y avait toujours ce rapport à la création, à l’art, à la littérature.

Faites-vous partie des écrivains pour qui écrire est « nécessaire » ?

Oui, l’écriture est ma soupape de décompression, c’est vraiment là où je libère mes émotions, j’en ai besoin. Quand j’écris, j’évacue. Retrouver mes personnages le soir est mon petit moment solitaire qui me fait du bien. Et si l’écriture de mes romans me fait du bien, c’est peut-être la raison pour laquelle la lecture de mes romans est considérée “feel-good”, comme on dit !

Quels sont les retours de vos lecteurs qui vous ont le plus marqués ?

Justement, c’est quand on me dit que la lecture de l’intrigue leur a fait du bien, et ça, ça me marque en tant que soignante également. C’est très émouvant, finalement. Je garde tous les mails de mes lecteurs, et j’ai même avec certains des rapports privilégiés. Concernant Qui ne se plante pas ne pousse jamais, j’ai même une lectrice qui y a vu énormément de liens avec sa propre vie, notamment sa grand-mère qui est décédée depuis, qui habitait près du Cap Fréhel, comme la Jacqueline de mon roman qui aimait le jardinage. Son texte m’a beaucoup ému, et dès que je vais à Paris, on se rencontre, on discute. Et on réalise qu’on a des sensibilités communes avec ses lecteurs.

Pourquoi pensez-vous que les gens aiment autant vos livres ?

Compliqué d’avoir du recul sur ce qu’on écrit, mais je m‘inspire un peu des retours que j’ai. À priori, c’est une lecture qui fait du bien, qui permet de s’évader. Les lecteurs aiment beaucoup retrouver la Bretagne et les paysages que j’y décrit. Certains aiment aussi retrouver l’envers du décor du monde hospitalier : qu’y a-t-il derrière ces blouses blanches ? Certains aiment aussi les histoires d’amour, de famille, de relations aux autres, l’aspect un peu psychologique des romans, etc. Chaque lecteur a, en fonction de ses goûts, des raisons différentes d’aimer mes romans.

Quel est votre lien au livre audio ?

J’ai la chance que tous mes romans soient publiés en livre audio, ce qui est important puisque j’ai beaucoup d’ami(e)s qui doivent faire beaucoup de trajets en voiture ou en transports en commun pour aller travailler notamment, et qui prennent beaucoup de plaisir à découvrir certains auteurs et certains romans.

Qu’est-ce que ça fait de voir ses livres lus et racontés par d’autres ?

Pour un auteur, c’est assez émouvant d’entendre son texte lu par quelqu’un d’autre. On a l’impression de le redécouvrir, puisque l’intonation mise sur certains mots, les silences, donnent du relief à l’écriture.

Lire et interpréter vous-même vos prochains livres en livre audio, ça vous tenterait ?

Oui, ça me tenterait énormément. On ne me l’a jamais proposé, mais c’est quelque chose qui me plairait beaucoup. Moi qui ai des enfants, je prends beaucoup de plaisir chaque soir à leur faire la lecture.

Quels sont vos nouveaux projets ?

J’ai toujours un train d’avance. Va où le vent te berce est sorti début mars, quinze jours avant le confinement, j’espère qu’il va avoir un nouveau souffle au déconfinement, et qu’il va trouver ses lecteurs tout l’été. Mais là je suis en train de finir tranquillement ma prochaine histoire pour 2021, avec toujours un esprit saga. Si on me connaît, on a plaisir à retrouver des personnages secondaires qui deviennent principaux pour ce nouvel ouvrage. Et si on ne me connaît pas, on peut tout à fait découvrir mon univers par ce dernier, il y aura toujours des ingrédients qui me tiennent à cœur : la Bretagne, un peu de médical, une histoire d’amour, beaucoup de sentiments finalement !

Récemment, quelles ont été vos meilleures découvertes littéraires ?

Je lis beaucoup. Comme, je pense, tous les auteurs, on est aussi de grands lecteurs, et concernant mon dernier coup de cœur, je dirais que c’était Par amour de Valérie Tong Cuong. Un livre qui se passe pendant la deuxième guerre mondiale, dans la ville du Havre, où on suit deux familles, notamment deux sœurs, et on s’attache énormément aux personnes. C’est finalement tout ce qu’on peut faire par amour, des bonnes choses comme des mauvaises, en temps de guerre, les choix que l’on va prendre, et les répercussions que ces choix vont avoir sur les autres, sur les gens que l’on aime, et c’est magnifique, je vous le conseille.

Par amour
De battre la chamade

Crédit photo : Philippe Matsas