Gilles Legardinier fait partie de ces écrivains farouchement implantés dans le paysage littéraire français. Avec des romans aux titres évocateurs, il se place comme un électron libre, écrivant, à talent égal, des thrillers, des comédies, mais aussi une épopée plus historique, comme en témoigne son dernier roman, "Pour un instant d’éternité" (Gallimard). Car oui, un écrivain est avant tout un passeur d’histoire, et si des succès comme "J’ai encore menti !" (Gallimard) ou "Demain j'arrête !" (Audiolib) ont été adaptés en livre audio, il est toujours bon de savoir s’y plonger ! Rencontre avec cet écrivain prolifique, qui nous emporte avec lui à coup sûr pour, on l’espère, encore longtemps !
Si écrire m’ennuyait, je changerais d’occupation ! Ce sont les gens du métier qui réduisent les livres à des genres. Je n’écris que des histoires qui me touchent, qui m’étonnent et que je ne crois pas avoir vues ailleurs. Ensuite, tout le monde colle des petites étiquettes dessus. C’est la vie ! Ce n’est pas si grave. J’espère durer assez longtemps auprès du public pour que mes histoires ne soient plus considérées comme d’une certaine sorte, mais tout simplement comme les miennes. Un nom peut déjà être un genre en soi.
Je ne me « sers » pas de l’humour, il fait partie de ma vie. C’est une composante essentielle de ce qui fait de nous autre chose que des bêtes. J’ai toujours dit à mes enfants : « Si une personne n’a pas d’humour, sauvez-vous, ça ne peut être qu’un abruti ». Méfiez-vous des gens qui ne rigolent jamais. Dans ma vie, je cultive le décalage, la joie, l’inattendu. Je l’applique simplement à mes livres.
Merci de les trouver accrocheurs. Je n’ai pas de méthode, j’y vais à l’instinct. Je ne calcule pas mes histoires, je les ressens. Je ne « mixe pas des ingrédients », je vis. Le titre vient souvent comme une évidence.
C’est une excellente question. Je ne suis pas encore capable de répondre avec précision, mais je crois que j’écris d’abord pour aller vers les autres. Pour parler à l’oreille du plus grand nombre. J’aime emmener les gens, depuis que je suis gamin, dans tout ce que je fais. Ensuite, je crois que la littérature est le meilleur moyen de parler à l’intimité de quelqu’un sans être intrusif ou grossier. Quand ils lisent, les gens n’acceptent que ce qu’ils veulent, quand ils veulent et où ils veulent. Sans coupure pub ! Quel média permet cela aujourd’hui ?
Proche. Je crois qu’ils savent qui je suis vraiment, et je commence à les connaître. Beaucoup de jolies histoires émaillent mon parcours. Je n’ai jamais fait semblant. Je ne joue pas les pseudo-amis ou la complicité artificielle des réseaux sociaux. J’aime les rencontrer, voir leurs yeux. La rencontre du public qui me lit, de son humanité, a changé ma vie.
Je n’ai jamais eu peur d’écrire, j’en ai trop envie. Quoi que vous fassiez, vous trouverez toujours des gens qui en diront du mal, alors le mieux c’est d’avancer avec ceux qui vous tendent la main. Je n’écris pas pour ceux qui jugent, mais pour ceux qui ressentent. C’est le seul moyen de faire autre chose que des produits.
Un métier s’apprend, on peut décider de le choisir avant même de savoir si on est fait pour. Auteur n’est donc pas un métier. En tout cas, je ne le conçois pas comme tel. Les créations artistiques ne découlent que très rarement de diplômes. Elles naissent de natures, de personnalités qui s’expriment et qui trouvent un écho. Tout le reste n’est que du commerce. Mes livres et ma relation à celles et ceux qui les lisent sont le cœur de ma vie.
Mes histoires mûrissent en moi sur des années, même celles qui ne nécessitent pas spécialement de recherches. J’ai besoin de les laisser grandir, se renforcer, avec du recul. Lorsqu’elles sont mûres, comme un vin ou un fruit, les coucher sur le papier revient à les cueillir ou à les mettre en carafe. Il s’écoule en moyenne six ans entre la première idée et la rédaction proprement dite.
Plusieurs équipes travaillent sur des projets d’adaptation depuis de nombreuses années. Cela prend du temps parce que je préfère que cela ne se fasse pas plutôt que cela se fasse mal. Certains projets sont enlisés, d’autres avancent. Je viens du cinéma. Je fais parfaitement la différence entre les deux supports, qui ne sont pas concurrents pour moi. Le livre, c’est l’intériorité, la liberté absolue, la voix intime, un champ qui permet à l’imagination du lecteur de se déployer. Le cinéma, c’est l’incarnation, la puissance de l’image, le burlesque, l’expérience collective. Les deux sont fabuleux à vivre.
Une autre façon d’entrer dans un univers. On ne peut pas lire en conduisant, mais on peut écouter. J’aime cette approche qui constitue pour moi le chaînon manquant entre la littérature et le cinéma. Les comédiens apportent une incarnation, une vie et un rythme. J’ai toujours eu la chance d’avoir d’excellents interprètes pour mes romans. Leur valeur ajoutée au texte est indéniable et je les en remercie. Je pense que le livre audio est appelé à un très bel avenir, et ce pour d’excellentes raisons.
J’ai trop de respect pour le talent des comédiens pour m’attribuer une place que d’autres ont mis une vie à construire. C’est très français de penser que n’importe qui peut faire n’importe quoi juste parce qu’il est en situation de le faire. Pour ceux qui lisent, qui écoutent ou qui regardent, je veux le meilleur, alors je ne vais pas m’imposer par vanité. Il y a tant de grands artistes ! Si un jour j’écris mes mémoires, alors on verra, mais ce sera un autre registre !
Écrire, tourner, rencontrer, avancer. Librement, sincèrement. Avec les autres !
La liste serait trop longue pour vous répondre de façon exhaustive.
Tout le monde donne des conseils, des avis. Je vais être modeste et laisser les proches de ceux qui cherchent de quoi lire leur répondre. La prescription de ceux que j’aime est la seule en laquelle j’aie confiance.
(Crédit photo Eric Feferberg / AFP)