D'autres vies que la mienne

Une entrée très rapide en littérature

Emmanuel Carrère naît en 1957 à Paris. Petit-fils d’immigrés de Géorgie, son nom sonne familier en raison de sa filiation avec l’académicienne Hélène Carrère-d’Encausse (sa mère) ou avec la médecin Marina Carrère D’Encausse (sa sœur).

Emmanuel Carrère entreprend, quant à lui, une carrière de critique de cinéma, pour des revues comme Telerama ou Positif. Et très vite, sa plume va s’agiter, avec une première publication : un essai consacré au réalisateur allemand Werner Herzog, paru en 1982.

L’année suivante, il publie son premier roman, L’Amie du jaguar, une histoire quelque peu burlesque, qui fera place un an plus tard, à Bravoure. Publié chez P.O.L, ce deuxième livre signe le contrat de confiance entre Emmanuel Carrère et son éditeur, chez qui il publiera tous ses ouvrages par la suite, jusqu’aujourd’hui.

En 1986, son attrait pour cinéma et son goût pour l’écriture se rejoignent, puisqu’il publie l’un de ses romans les plus célèbres et les plus puissants, La Moustache, qu’il portera lui-même à l’écran en 2005.

Au fil du temps, Emmanuel Carrère affine son style, et entreprend des projets littéraires tous plus intéressants les uns que les autres. En témoigne en 1993 son intérêt pour l’affaire Jean-Claude Romand, qu’il souhaite mettre en mot. Peu à peu, il abandonne l’idée, jusqu’en 2000, où il publie enfin L’Adversaire, concrétisant ce projet de longue haleine. Ce roman marquera un point d’ancrage dans la carrière de l’écrivain, s’attelant désormais à raconter des histoires grâce à la non-fiction plutôt qu’avec la simple fiction.

Ce tournant le rend encore plus populaire qu'il ne l’était, notamment auprès de la critique. Dans cette perspective, Emmanuel Carrère remporte bon nombre de prix, du prix Marie Claire du roman d’émotion pour D’autres vies que la mienne (en 2009), en passant par le prix littéraire du Monde pour Le Royaume (en 2014) qui retrace la naissance du christianisme, ou encore la consécration, le Prix Renaudot pour Limonov (en 2011), biographie romancée, à mi-chemin avec l’essai, du russe Edouard Limonov.

Désormais, Emmanuel Carrère est un nom inévitable lorsqu’il s’agit de littérature française. C’est la raison pour laquelle en 2017, il est lauréat de la Villa Kujoyama à Kyoto, ou qu’en 2018, il obtient le prix de la Bibliothèque nationale de France, pour l’ensemble de son œuvre. Pourtant, au milieu de tous ces succès et de ces reconnaissances publiques, Emmanuel Carrère n’a jamais oublié ses premières amours : le cinéma.

Limonov

Carrère et le cinéma

Et oui, à plusieurs reprises durant sa carrière littéraire, Emmanuel Carrère se frotte au grand écran. Car le septième art a toujours bercé son travail de près ou de loin, comme un vieux compagnon de route. Au début de son parcours d’écrivain, dans les années 1990, il poursuivait quelques activités annexes, notamment celle de scénariste pour Léon Morin, prêtre.

En 1998, son roman La classe de neige, Prix Fémina en 1995, est adaptée à l’écran... par lui-même. Si Claude Miller se charge de la réalisation, Carrère en signe de scénario, et ne s’arrête pas en si bon chemin, bien au contraire !

En effet, ses livres ont toujours eu un certain rapport cinématographique. En témoigne le puissant L’Adversaire, que Nicole Garcia adapte en 2002 au cinéma, jusqu’à ce que, l’année suivante, Emmanuel Carrère se décide à passer derrière la caméra.

C’est donc en 2003 que le film, à la limite du documentaire, "Retour à Kotelnitch" voit le jour. Il sera sélectionné à la Mostra de Venise, et marque une nouvelle fois le talent d’Emmanuel Carrère dans tous les domaines !

Un talent reconnu de toutes parts, si bien qu’en 2010, il est membre du jury au Festival de Cannes, et qu’en 2015, il est dans le jury du festival de Venise. Une reconnaissance cinématographique, qui complète un talent littéraire indéniable !

Un style Carrère ?

Dans son écriture, Emmanuel Carrère ne cherche pas à développer le spectaculaire. S’il est passé la fiction à la non-fiction à partir de L’Adversaire, pilier de sa carrière, l’œuvre du romancier reste malgré tout cohérente, entre le romanesque et la réflexion personnelle.

Tel un reporter, il sonde le monde non sans épure, et non sans témoigner de ce que ce dernier nous renvoie. Toutefois, il est très difficile d’apposer un terme sur le style de l’écrivain. Lui-même évoque cette ambivalence, entre réel et fiction :

"Au fond, ce qui définit le roman, c'est la narration et tout ce que j'écris est narratif. J'aime bien mélanger des choses dont on dit a priori qu'elles ne devraient pas aller ensemble, mélanger le général à l'intime.”

Entre la vie des autres avec D’autres vies que la mienne, l’autobiographie romancée avec Un roman russe, ou le sens du portrait avec L’Adversaire, Emmanuel Carrère nous montre que parler des autres, c’est aussi et surtout, parler de soi. En ça, ses histoires sont de véritables bijoux, dans lesquels il est toujours passionnant de se plonger !

Le Royaume

Crédit photo : Joël Saget - AFP