Sheryl Sandberg est avant tout connue pour sa fonction de “COO” de Facebook (directrice d'exploitation, elle supervise les opérations commerciales de l’entreprise). Cinquième femme la plus influente du monde selon "Forbes”, diplômée de Harvard, ex vice-présidente des Ventes et opérations internationales en ligne chez Google, fondatrice d’une organisation à but non lucratif pour un monde plus égalitaire et plus résilient (1), c’est aussi une autrice qui a vendu des millions d’exemplaires de ses livres.

Son premier best-seller international, En avant toutes : Les femmes, le travail et le pouvoir, qui vient de sortir en version audio, date de 2013. Pourtant, le livre aurait pu paraître hier. Elle y explique pourquoi "les hommes dirigent toujours le monde" et pousse les femmes à gagner en confiance en elles dans les entreprises, malgré un contexte qui les cloue au sol – depuis les clichés vécus dans l’enfance aux inégalités à la maison en passant par les discriminations à l’embauche. Un amer constat toujours d’actualité : aujourd’hui en France, on trouve seulement 27 % de femmes à la tête des entreprises, et on demande à près d’une candidate sur deux en entretien d’embauche “si elle compte avoir des enfants bientôt”. 72% des tâches domestiques sont réalisées par les femmes. Elles sont seulement 27% chez les ingénieur·es et 15% dans le secteur numérique, tandis que les personnes d’expertise passant à la télévision et à la radio sont à 65 % des hommes. Et, bien sûr, l’écart de salaire entre hommes et femmes caracole toujours à 23 % en moyenne (2). Alors, pourquoi lire ce livre ? Pour changer les choses à titre personnel, y puiser des conseils, une force, des arguments et oser “tout avoir”.

La reine du secteur informatique a également publié un autre livre, totalement différent, mais avec pour dénominateur commun un certain esprit d’entraide. Quelques années après la mort tragique de son mari, Sheryl Sandberg a coécrit Option B : Surmonter l’adversité, être résilient et retrouver l’aptitude au bonheur avec Adam Grant, psychologue, auteur et professeur à la Wharton School. Partageant sa propre expérience de deuil mais aussi les coups durs d’autres personnes (accidents, maladies, violences...), elle explique comment nous ne naissons pas avec une aptitude prédéterminée à la résilience, mais qu’à l’instar d’un muscle, nous pouvons la développer. En donnant des clés pour rebondir, “ces histoires révèlent la capacité de l'esprit humain à persévérer, et à redécouvrir la joie.”

Dans ses livres ou lors de ses interventions publiques, Sheryl Sandberg distille ses conseils tant pour la sphère professionnelle que pour la vie personnelle. À noter, côté pro, ses idées sont écrites d’abord pour les femmes, mais également pour les hommes – pour ceux qui "n’osent pas" non plus, et pour ceux qui peuvent aider leurs épouses, amies ou collègues à s’affirmer.

Conseil N°1 : “Ne vous cachez pas dans un coin de la pièce, asseyez-vous à la table.”

Dans le monde professionnel, les femmes ont du mal à exister pleinement, et ont tendance à ne pas s’asseoir à la table lors des réunions. Syndrôme d’imposture, habitude de se sous-estimer, minimisation de leurs capacités et peur d’être vues comme ambitieuses, elles restent debout près du mur et parlent moins que leurs collègues masculins. Sheryl Sandberg les exhorte à dépasser ce cap et oser “s’asseoir à la table”, lever la main, proposer leurs idées, demander une augmentation ou réclamer un poste. Comme le font naturellement la plupart des hommes.

Conseil N°2 : “Faites de votre partenaire un vrai partenaire.”

L’autrice et femme d’affaires rappelle que dans un couple où les deux parents travaillent, les femmes s’occupent pourtant trois fois plus (!) des enfants. Une inégalité criante à effacer, tant dans les efforts faits pour les femmes que pour les hommes. “On met plus de pression sur les hommes pour la carrière, donc on ne les encourage pas à faire ce qu’ils ont à faire à la maison. Mais les enfants dont les pères s’occupent aussi sont plus heureux, en meilleure santé et ils réussissent mieux. Et les foyers où les deux personnes du couple gagnent à peu près le même salaire divorcent deux fois moins.” “Si vous voulez faire quelque chose de bien pour votre femme, ne lui offrez pas des fleurs, faites plutôt la lessive de la semaine.”

Conseil N°3 : “Si vous aimez la fusée, peu importe votre numéro de siège.”

Sheryl Sandberg a intégré ce concept lors de son embauche chez Google. À l’époque, tout comme elle l’a ensuite fait pour Facebook, elle a accepté de “rétrograder” et de postuler à un poste plus junior, uniquement parce qu’elle aimait l’entreprise. Selon elle, si l’opportunité est là, si l’envie de travailler pour une compagnie est forte, le niveau hiérarchique importe peu, surtout si on va y rester des années et y évoluer. Un conseil unisexe.

Conseil N°4 : “Ne partez pas avant de partir.”

Avec cette idée, Sheryl Sandberg fait surtout référence aux femmes qui, consciemment ou inconsciemment, freinent leur carrière en vue d’un projet bébé – même quand ce projet est prévu pour dans plusieurs années. “Vous ne savez pas quand vous aurez ce bébé, ne vous freinez pas avant qu’il arrive ! Ne refusez pas un poste ou ne vous empêchez pas de construire une carrière qui vous plaît de peur de devoir partir en congé un jour, au contraire ! Non seulement vous n’y êtes pas encore, mais en plus, il est si difficile de quitter son bébé pour retravailler – si vous faites le choix d’y retourner – qu’il vaut mieux avoir un job qui vous épanouisse.”

Conseil N°5 : “Ne fustigez pas l’ambition.”

L’autrice rappelle à quel point les gens n’aiment pas les femmes qui ont du succès, et combien, quand un homme est admiré pour ses qualités de leader, sa collègue sera perçue comme froide, ambitieuse et autoritaire. “Imaginez une carrière comme un marathon. Maintenant imaginez un marathon où hommes et femmes se présenteraient dans la même forme physique. Tout au long de l’épreuve, les hommes sont encouragés (“Vas-y ! Sois fort !”) mais les femmes entendent des messages différents : “Tu sais que tu n’es pas obligée de faire tout ça”, “Pourquoi cours-tu comme ça alors que tes enfants ont besoin de toi à la maison?” Si vous avez envie de faire carrière, faites-le – et aidez celles qui ont envie de le faire.

Conseil N°6 : “Ne demandez pas ce que vous pourriez faire pour aider, agissez.”

Sheryl Sandberg explique souvent que face à une personne en deuil ou ayant subi une grande épreuve, nous avons tendance à proposer notre aide en demandant de quoi l’autre a besoin, ou ce qu’on peut faire pour aider. “C’est mettre un poids sur le dos de la personne déjà à terre, car elle n’est pas en mesure de réfléchir à cela ou de demander quoique ce soit. Faites quelque chose, tout simplement !” Un câlin, un repas, une présence, un service – le tout est d’agir. Elle en parle lors de ses interviews au sujet de son livre Option B, mais l’idée fonctionne aussi pour les hommes à la maison (ne demandez pas à votre femme ce que vous pouvez faire, passez l’aspirateur et sortez les poubelles), et pour les femmes au travail (prenez des initiatives et on vous donnera plus de responsabilités).

Conseil N°7 : “Parlez encore et toujours à celles et ceux qui en ont besoin.”

Quand quelqu’un a perdu une personne proche, est malade ou fait face à une douloureuse épreuve, on a tendance à ne pas oser lui parler. Peur de lui “rappeler” sa douleur, de dire une bêtise… “Lorsque des gens font face à une perte, ils font face à beaucoup de silence de la part des autres et se retrouvent isolés. Les proches appellent la première semaine mais ensuite ne savent pas quoi dire", explique-t-elle. “N'oubliez pas d'appeler et de tendre la main non seulement le premier jour, mais le cinquième jour et même la cinquième année, c’est très important”.

Conseil N°8 : “Musclez votre gratitude.”

Tout comme la résilience, la gratitude est un muscle à découvrir, entretenir et développer. Sheryl Sandberg rappelle volontiers lors de ses interventions qu’elle n’a jamais été plus reconnaissante envers la vie que depuis la perte de son mari – épreuve à priori insurmontable qui la fait encore souffrir des années plus tard mais l’a forcée à réaliser tout ce qu’elle avait comme chance par ailleurs, de sa propre santé à celle de ses enfants en passant par les plus basiques petites joies de l’existence. “J’avais tendance, avant, à me coucher en pensant à tout ce que j’avais fait de mal dans la journée, ou en ressassant mes soucis. Maintenant, j’écris chaque petit bonheur vécu et suis dans la gratitude. Cela change tout.”

Conseil N°9 : “Boostez la confiance des autres”.

Après la mort de son mari, lorsqu’elle est retournée au travail, la business woman ne retrouvait plus en elle la femme brillante et forte qu’elle était auparavant. Non seulement sa vie familiale et amoureuse avait explosé, mais elle découvrait que professionnellement, elle n’avait plus non plus la moindre miette de confiance en elle. “Si une personne de votre entourage a subi une lourde épreuve quelle qu’elle soit, elle perd confiance en elle-même. Encouragez, félicitez, donnez des tapes dans le dos et admirez son travail, même quand, en vrai, ce qu’il ou elle a fait n’est pas génial : cela peut faire des miracles et aider beaucoup plus que vous ne l’imaginez.”

Conseil N°10 : “Acceptez vos émotions – et rappelez-vous qu’elles changeront.”

Sheryl Sandberg explique à quel point on se “rajoute” des douleurs sans le vouloir. “Au bout d’un moment, on a peur d’avoir peur, on est triste d’être triste, on est anxieux d’être trop anxieux… Accepter ce que l’on ressent sans résister ni se juger permet de mieux vivre et évacuer les émotions douloureuses.” Elle rappelle aussi l’importance de se remémorer que les émotions ne cessent d’évoluer, d’aller et revenir, et que la résilience est en nous. “Ça ne durera pas toujours.”

(1) The Sheryl Sandberg & Dave Goldberg Family Foundation.
(2) Tous les chiffres sont tirés des études du secrétariat d'État chargé de l'Égalité entre les femmes et les hommes, notamment de l’étude "Vers l'égalité réelle entre les femmes et les hommes – Chiffres-clés – Édition 2019".

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